RĂ©union dâĂ©changes organisĂ©e par le DĂ©partement.
Lâoccasion de contextualiser auprĂšs de nos partenaires les difficultĂ©s budgĂ©taires auxquelles font face la plupart des dĂ©partements.
Dans lâAisne, Nicolas Fricoteaux veut rassurer les maires sur les restrictions de budget
Le prĂ©sident du DĂ©partement Nicolas Fricoteaux a expliquĂ© aux maires du Laonnois les coupes budgĂ©taires que sâapprĂȘte Ă vivre lâAisne. Une mission accomplie avec succĂšs puisque malgrĂ© les restrictions annoncĂ©es, aucun Ă©lu nâa protestĂ©.
Des discussions nécessaires pour se rassembler, se mobiliser et trouver des solutions pour nos territoires et les Axonais.
Public Sénat : rencontre avec Jean-François Husson, sénateur LR et rapporteur général de la commission des finances du Sénat.
Budget : dans lâAisne, un dĂ©partement « trĂšs inquiet » face aux Ă©conomies imposĂ©es par le gouvernement
[REPORTAGE] ConfrontĂ©s Ă la hausse des dĂ©penses sociales, comme le RSA, et Ă la baisse de leurs recettes, les dĂ©partements sont pris en tenaille, au point de ne plus « y arriver ». Celui de lâAisne fait partie de ceux les plus en difficultĂ©s. Il va couper certaines aides aux associations, dans le sport ou la culture. Le sĂ©nateur LR Jean-François Husson, rapporteur du budget du SĂ©nat, a passĂ© la journĂ©e Ă Laon, la prĂ©fecture. Sâil est prĂȘt à « revoir la copie » du gouvernement pour rĂ©partir lâeffort, il entend maintenir les 5 milliards dâeuros dâĂ©conomies, demandĂ©s aux collectivitĂ©s.Pour se rendre Ă lâhĂŽtel du conseil dĂ©partemental de lâAisne, il faut entrer par la mĂȘme grille que pour la prĂ©fecture. JuchĂ© derriĂšre les remparts du XIIe siĂšcle, qui ceinturent le cĆur historique de la ville haute de Laon, le « plateau », comme lâappellent les habitants de cette commune de lâancienne Picardie, lâhĂŽtel dĂ©partemental a pour voisin direct le reprĂ©sentant de lâEtat. Un Etat qui demande beaucoup aux collectivitĂ©s dans ce budget 2025 de tous les dangers : 5 milliards dâeuros.
Dans ce rĂ©gime (presque) au pain sec et Ă lâeau, les dĂ©partements, comme les autres collectivitĂ©s, font grise mine. Surtout ceux qui ont dĂ©jĂ le couteau sous la gorge. Câest le cas de lâAisne, justement. En cette matinĂ©e dâautomne, câest la soupe Ă la grimace.
Cette terre qui a connu la guerre â le Chemin des Dames est quelques kilomĂštres plus au sud â cumule aujourdâhui les difficultĂ©s sociales : prĂšs de 11 % de la population est au chĂŽmage, soit plus de 3 points au-dessus de la moyenne nationale ; le taux de pauvretĂ© est de 18,8 %, le taux dâillettrisme de 13 %, contre 7 % en France. Pour les dĂ©partements, qui ont la charge du social, câest aussi un poids financier.
Câest pourquoi le sĂ©nateur LR Jean-François Husson, rapporteur gĂ©nĂ©ral de la commission des finances du SĂ©nat, passe la journĂ©e, ce mardi 15 octobre, derriĂšre les murs de la « Montagne couronnĂ©e ». Câest le surnom de Laon, ville de 24.000 habitants bĂątie sur une butte tĂ©moin. Au chevet des dĂ©partements, le sĂ©nateur sâest dĂ©jĂ dĂ©placĂ© en Gironde, avant de voir bientĂŽt les prĂ©sidents rĂ©unis des Vosges, de Meurthe-et-Moselle et de Moselle.
« Temps dâĂ©change un peu prolongĂ© sur le terrain »
Pas le temps de faire du tourisme. ArrivĂ© un peu en retard pour cause de rĂ©union au petit matin, pendant une heure, avec le PrĂ©sident du SĂ©nat, GĂ©rard Larcher, en vue de lâarrivĂ©e du projet de loi de finances (PLF), le sĂ©nateur de la Meurthe-et-Moselle rentre tout de suite dans le dur, Ă peine accueilli par le prĂ©sident (divers centre) du dĂ©partement, Nicolas Fricoteaux.
« Rien ne remplace le temps dâĂ©change un peu prolongĂ© sur le terrain », lance Jean-François Husson. Il nâest plus dans lâopposition, mais soutient aujourdâhui le premier ministre Michel Barnier, un LR, comme lui Ă lâorigine. Alors Jean-François Husson porte son discours sur « lâeffort collectif », y compris pour les collectivitĂ©s, dont les sĂ©nateurs sont pourtant toujours les premiers dĂ©fenseurs. Mais face au dĂ©ficit qui se creuse, il sâagit de « voir ce que les dĂ©partements peuvent Ă©ventuellement apporter au redressement des comptes », mais en adaptant, selon les cas. « DâemblĂ©e, tout le monde va vous dire non », sourit Nicolas Fricoteaux.
« Lâeffet ciseau nous a tuĂ© en 2023, ça va nous tuer en 2024 »
Jean-François Husson connaĂźt bien la problĂ©matique, quâil rĂ©sume : « Il y a un effondrement des ressources. Mais lâAisne reste trĂšs impactĂ© par lâenvolĂ©e des dĂ©penses sociales ». En mĂȘme temps, « on nâa crĂ©Ă© aucune ressource nouvelle dynamique et on ne rĂ©duit pas les dĂ©penses publiques. Câest le grand dĂ©ni qui nous conduit dans une situation de porte Ă faux », dĂ©nonce le sĂ©nateur du groupe LR.
Câest le fameux « effet ciseau ». « Cet effet ciseau, ça nous a tuĂ© en 2023, ça va nous tuer en 2024 », lance Nicolas Fricoteaux, graphiques Ă lâappui. Il peste contre les mesures annoncĂ©es : « Quand jâentends le gouvernement dire que la dynamique de la TVA sera gelĂ©e lâan prochain, câest un coup de massue direct ». Un coup de massue qui coĂ»te 5 millions dâeuros au dĂ©partement. Si le gouvernement a dĂ©jĂ prĂ©vu dâĂ©pargner les collectivitĂ©s les plus en difficultĂ© dâune partie de lâeffort, elles nây couperont pas. Le dĂ©partement de lâAisne chiffre au total cette baisse des recettes Ă prĂšs de 10 millions dâeuros en 2025. Ce qui sâajoute aux baisses successives de la dotation globale de fonctionnement (DGF) depuis 2014, soit 205 millions dâeuros en cumulĂ©s. Elle devrait rester stable lâan prochain, mais sans prise en compte de lâinflation, ce qui revient Ă un recul.
« Je fais le tour des territoires pour dire, âne comptez pas trop sur nousâ »
Les dĂ©penses sociales se cumulent, entre APA (allocation personnalisĂ©e dâautonomie, + 12 millions de dĂ©penses en 2022 par rapport Ă la moyenne), PCH (prestation de compensation du handicap) et RSA (+ 28 millions en 2022), qui est Ă la charge des dĂ©partements. Il reprĂ©sente un coĂ»t de 113 millions dâeuros pour lâAisne, avec 15.800 bĂ©nĂ©ficiaires, compensĂ© Ă hauteur de 40 % par lâEtat. « Lâaide sociale Ă lâenfance pĂšse beaucoup aussi. On a pris 20 millions quasiment en deux ans, câest une catastrophe », alerte le prĂ©sident de lâexĂ©cutif dĂ©partemental. Au total, le social reprĂ©sente 75 % des dĂ©penses du dĂ©partement.
ConsĂ©quence de cette situation financiĂšre : le dĂ©partement va couper dans ses aides dans le sport, la culture, les associations et bien sĂ»r les communes. « Je fais le tour des territoires pour dire, âne comptez pas trop sur nousâ. PrĂ©voyez un budget sans notre participation », prĂ©vient Nicolas Fricoteaux. « Le pire, ce sera les associations », rebondit la sĂ©natrice LR de lâAisne, Pascale Gruny, prĂ©sente Ă©galement. « Il y a 650 associations Ă Saint Quentin par exemple. LĂ , ça touche vraiment la population. Et aprĂšs, ça se traduit par de la colĂšre dans les urnes, Ă lâextrĂȘme droite », ajoute celle qui est aussi conseillĂšre dĂ©partementale. « On est le dĂ©partement oĂč le RN fait ses plus gros scores, lors des Ă©lections », rappelle Nicolas Fricoteaux, Ă la tĂȘte du dĂ©partement depuis 2015.
« Comment faire pour réparer le toit du collÚge ou remettre un coup de goudron ? »
Autre difficultĂ© : les DMTO, les droits de mutation Ă titre onĂ©reux, plus connus sous le nom de « frais de notaires », lors dâune transaction immobiliĂšre. Ils ont partout chutĂ©, avec le retournement du marchĂ© de lâimmobilier. Lâimpact en volume peut ĂȘtre trĂšs fort dans les dĂ©partements plus riches et dynamiques. Dans lâAisne, qui attire peu et oĂč les ventes sont plus faibles et difficiles, lâimpact ne se fait pas moins sentir. LâAisne est le troisiĂšme dĂ©partement avec le niveau de DMTO le plus faible, par habitant.
Pour ne rien arranger, lâAisne est confrontĂ© aussi Ă une forte dette, de 515 millions dâeuros. Si elle est stable depuis plusieurs annĂ©es, elle sâĂ©tait envolĂ©e entre 2007 et 2015, entre « les problĂšmes de financement du RSA et un plan collĂšge ambitieux ». Se sont ajoutĂ©s des emprunts toxiques. RĂ©sultat, « quand vous nâavez pas dâĂ©pargne brute, comment faire pour rĂ©parer le toit du collĂšge ou remettre un coup de goudron ? » demande lâancien maire de Rozoy-sur-Serre, qui ajoute :
Câest la rĂ©alitĂ© de terrain, pas la rĂ©alitĂ© arithmĂ©tique de lâENA.
Nicolas Fricoteaux, prĂ©sident du dĂ©partement de lâAisne.
Sâil ne baisse pas les bras, on sent le prĂ©sident du dĂ©partement pris en tenaille. « Si un fonds de pĂ©rĂ©quation (systĂšme pour que les dĂ©partements les plus riches aident les plus pauvres, ndlr) arrive, mais si on perd la dynamique de la TVA, câest un jeu Ă somme nulle. On nây arrive pas, nous », lĂąche lâĂ©lu local, qui se dit « trĂšs inquiet ».
« On nous fait les poches en permanence », dénonce Noël Bourgeois, président des Ardennes
Variation sur le mĂȘme thĂšme, ensuite, lors dâun dĂ©jeuner de travail. Le prĂ©sident du dĂ©partement voisin des Ardennes, NoĂ«l Bourgeois (LR), est prĂ©sent, comme le prĂ©fet, Thomas Campeaux. « Vous avez une concentration de causes perdues », sourit Nicolas Fricoteaux. « On nous fait les poches en permanence », dĂ©nonce son homologue ardennais, « on est Ă lâos ». « En 2025, on va y arriver encore, mais en 2026, on ne saura plus Ă©quilibrer notre budget », prĂ©vient NoĂ«l Bourgeois, alors que les collectivitĂ©s ont obligation de prĂ©senter un budget Ă lâĂ©quilibre. Pour marquer le coup, lâAisne a carrĂ©ment mis dans son budget un prĂȘt fictif de lâEtat, pour alerter. Nicolas Fricoteaux a pu ĂȘtre ensuite reçu par les conseillers de lâElysĂ©e et de Matignon.
Autour de la table, la parole tourne et le dĂ©jeuner sâanime. « Est-ce quâil est normal de manquer de place comme ça pour les enfants en situation de handicap ? Comme dĂ©partement, on nâa pas les moyens dâaugmenter les places. Et ça veut dire que des enfants ne sont pas scolarisĂ©s », dĂ©nonce Anne Maricot, vice-prĂ©sidente (divers gauche) du dĂ©partement, chargĂ©e de lâautonomie, le plus gros budget du dĂ©partement, avec 204 millions dâeuros. Le dĂ©partement doit aussi supporter la revalorisation du smic sur lâinflation, qui arrive dĂšs novembre, au lieu de janvier, comme annoncĂ© par Michel Barnier. « Sur les 740 assistantes familiales, câest 700.000 euros », lĂąche Isabelle Letrillart, vice-prĂ©sidente (divers droite) Ă lâinsertion, le retour Ă lâemploi et la famille.
« On arrive au bout dâun systĂšme »
Pour NoĂ«l Bourgeois, « si rien ne change, je ne donne pas cher de notre peau ». Un constat partagĂ© par le prĂ©fet. « Ăa repose la question de la dĂ©centralisation », telle quâelle fonctionne aujourdâhui, « avant les collectivitĂ©s avaient des recettes et elles votaient le taux. On arrive au bout dâun systĂšme » soutient Thomas Campeaux.
Câest la question dâune remise Ă plat, avec Ă la clef la question sensible du retour dâun nouvel impĂŽt local, dont les collectivitĂ©s ne bĂ©nĂ©ficient plus depuis la suppression de la taxe dâhabitation. « Depuis 2 ans, GĂ©rard Larcher dit quâil faut remettre un impĂŽt rĂ©sidentiel », rappelait quelques minutes plus tĂŽt Jean-François Husson lors de son entretien avec le prĂ©sident du dĂ©partement. « Le prĂ©sident de la RĂ©publique mâa dit, lors dâun Ă©change, quâon pourrait peut-ĂȘtre augmenter le taux des DMTO », confie Nicolas Fricoteaux, avant dâajouter aussitĂŽt : « Mais avec ça, tu ne rĂšgles rien ». « Câest un emplĂątrage sur une jambe de bois », confirme le sĂ©nateur LR. Selon nos informations, il sâagit pourtant bien dâune piste de « rĂ©flexion », au sein du gouvernement, pour ce budget 2025. Mais rien nâest arbitrĂ©.
LâaprĂšs-midi, direction la ville basse, 120 mĂštres dâaltitude plus bas, dans le quartier de Laneuville, oĂč siĂšgent les diffĂ©rents services sociaux du dĂ©partement. Les « VP », accompagnĂ©s des directeurs de services, refont un point dĂ©taillĂ©. Le message est le mĂȘme. Isabelle Letrillart insiste sur « la misĂšre matĂ©rielle, la misĂšre Ă©ducative » au sein de la population, « avec des familles qui souffrent », et auquel le dĂ©partement doit faire face. Rien quâune place en famille dâaccueil pour un enfant, « câest 60.000 euros par an », ajoute lâĂ©lue locale.
« On va essayer de faire peut-ĂȘtre pas de la dentelle, mais de la couture de prĂ©cision », avance Jean-François Husson
Un retour du terrain qui devrait inspirer les propositions de la majoritĂ© sĂ©natoriale, lors de lâexamen du budget. Nicolas Fricoteaux ne nie pas lâeffort nĂ©cessaire, mais « chacun doit le faire en fonction de ses moyens. Il y a besoin dâune Ă©quitĂ© de traitement, dans cet effort collectif. Tout le monde ne peut pas ĂȘtre dans la mĂȘme situation », demande le prĂ©sident de lâAisne.
Sâil est « Ă lâĂ©coute », Jean-François Husson nâa pas encore les rĂ©ponses. « On va proposer une copie oĂč on aura toujours lâobjectif de 5 millions dâeuros dâĂ©conomie pour les collectivitĂ©s, mais avec un autre ordonnancement, des solutions alternatives », avance le rapporteur du budget. « Lesquels ? Je nâen sais rien », dit-il. Tout juste avance-t-il lâidĂ©e « dâune annĂ©e blanche pour les dĂ©partements. Mais ça ne peut pas durer Ă©ternellement ».
Il juge aussi que lâobjectif dâune Ă©conomie de 800 millions dâeuros sur le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), dont bĂ©nĂ©ficient les dĂ©partements, « nâest pas une mĂ©thode terrible ». Jean-François Husson ajoute : « On va essayer de faire peut-ĂȘtre pas de la dentelle, mais de la couture de prĂ©cision. Un effort le mieux partagĂ© possible ». Du cĂŽtĂ© de Matignon, le premier ministre Michel Barnier est en rĂ©alitĂ© prĂȘt Ă accepter pour les dĂ©partements dâautres mesures, Ă condition que lâeffort global reste lĂ . « Entre lâAssemblĂ©e nationale et le SĂ©nat, on a 70 jours pour essayer de modifier la copie », conclut le rapporteur du budget. Mais les collectivitĂ©s sont prĂ©venues : ce ne sera pas open bar.